Une année de plus en tant que chercheur indépendant en philosophie (trois ans maintenant). Ceci est l’épisode 2 de mon rapport annuel sur mes travaux de recherche, qui concernent la philosophie comme manière de vivre, la phénoménologie, la polarisation affective en politique, et les sciences humaines pour le milieu médical. Dans ce rapport, j’éclaircis notamment la différence entre ce blog francophone, et mon nouveau blog, anglophone : Philosophical Exercises .
L’an dernier, je faisais le point sur la situation de ce blog ( c.f "Qui est-ce que j'imite ? À qui est-ce que je m'adresse ?"). Pour résumer : des progrès dans mes travaux de recherche qui n’aboutissent néanmoins pas à la publication de nouveaux articles pour le blog. J’expliquais cela par le fait que j’éprouvais des difficultés à trouver le bon format et le bon public (réel ou imaginé) pour me motiver à écrire des articles. Le thème de l’année dernière était donc à quel point cela était difficile et lent de trouver les gens qui font ce qui m’intéressent, et qui me motivent à m’exprimer. J’essayais de faire la paix avec cette lenteur, sans baisser les bras.
Le thème de cette année est très similaire. Je veux parler de ce travail collaboratif que je découvre petit à petit, et qui arrive lentement.
Lentement mais sûrement ? Ce n’est pas sûr. Dans l’épisode précédent, je disais que Twitter avait été indispensable pour prendre contact avec d’autres chercheurs, pour trouver mes collègues. Depuis, Elon Musk a détruit Twitter. Cela représente une véritable perte pour la communauté philosophique. Helen de Cruz l’a bien montré en rassemblant les témoignages des philosophes qui subissent cette perte. Parmi eux, il y a mon témoignage, que je vous traduis ici :
« En tant que philosophe et chercheur qui se trouve en marge du monde universitaire, en raison du fait que je n’ai pas suivi la voie traditionnelle du doctorat, et aussi parce que mes parents ne sont pas allés à l’université, Twitter était pour moi absolument vital en tant que fenêtre sur le monde de la philosophie académique. À un moment crucial où j’avais besoin de « trouver mes collègues » pour savoir si je pouvais continuer à me concentrer sur la philosophie, Twitter m’a permis de m’organiser avec d’autres universitaires d’une manière que mon profil atypique ne m’aurait pas permis autrement. Il est difficile de sous-estimer l'importance de cela pour ma réflexion philosophique : sans ces conversations, je n'aurais eu aucun moyen de *réfléchir ensemble*, aucun feedback, aucun moyen d’être déconcerté de façon productive par le fait de parler à un *collègue* et de pourtant avoir du mal à me faire comprendre. »
Étant donné cette situation, je pense que ce n’est pas exagéré de dire que si Elon Musk avait détruit Twitter plus tôt qu’il ne l’a fait, par exemple en plein milieu de ma période de doute, avant que je ne trouve mes collègues, lorsque je me demandais encore pourquoi je « n’arrivais à rien » avec ma recherche, cela aurait pu gâcher ma vie. Endommager le tissu social comme il l’a fait (même si c’est sur internet) c’est faire du mal principalement à ceux qui ont moins de points de repères que d’autres pour explorer les possibles et trouver ce dont ils ont besoin pour réussir. Le fait de trouver sa communauté est tout sauf simple : c’est très hasardeux.
(Je suis donc maintenant sur Blue Sky où j’essaye, avec d’autres, de reconstruire cette communauté )
Bref. Réfléchir ensemble, travailler ensemble, cela m’enchante de plus en plus. Je ne l’aurais jamais imaginé avant. J’ai par exemple un projet en cours avec des collègues : Stuck on the Puzzle . Le projet consiste à interviewer des gens qui ont des Troubles Obsessionnels Compulsifs (TOCs). À utiliser des outils philosophiques pour mettre en avant leur expérience vécue, au-delà des préjugés naïfs ou même scientifiques et théoriques. Ces interviews seront postées sur internet sous forme de podcast. Par ailleurs, ce travail consistera aussi pour moi à utiliser ces interviews pour créer un exercice philosophique (ou "exercice spirituel") qui serait approprié pour quelqu’un qui a des TOCs. Je suis très enthousiaste vis-à-vis de ce projet.
Mais vous l’avez peut-être remarqué avec ces liens : cette communauté qui m’inspire est anglophone. Cela me motive à écrire de la philosophie en anglais, et par conséquent, cela crée une certaine difficulté pour ce blog que vous lisez, qui est francophone (dur de transitionner en anglais avec un titre comme « Le Miroir Tranquille »).
C’est la raison pour laquelle je me suis mis à écrire pour mon nouveau blog : Philosophical Exercises. Là bas, j’ai écrit un article d’introduction où j’explique comment les exercices philosophiques peuvent améliorer nos vies et un autre article qui explique pourquoi les tentatives récentes de faire méditer les élèves à l’école sont vouées à l’échec. Ces articles me tiennent beaucoup à cœur car ils sont ce que j’essayais de faire depuis longtemps : concrétiser mon modèle conceptuel du phénomène de « l’exercice spirituel », ou de ce que j’ai pu appeler la « technique médicale philosophique ». C’est aussi sur ce blog que j’ai l’intention de publier bientôt, en anglais, l’article qui présente « L’approche confiante » : l’exercice philosophique que j’ai inventé pour vivre en pleine conscience les désaccords en politique. Encore un autre article qui me tient vraiment à cœur et qui n’a pu se concrétiser que très récemment !
Étant donné la situation actuelle, il est très probable que je continue à être davantage productif en anglais, et donc à écrire pour cet autre blog. Peut-être que je pourrais traduire en français mes propres articles et les publier ici, mais je doute que ce soit jamais ma priorité, en l’absence de communauté francophone qui m’inspire. Je me dis que je devrais peut-être utiliser « Le Miroir Tranquille » comme « journal intime » de recherche philosophique, où je parle du quotidien de chercheur (au moins tous les ans). Je vois en quoi cet exercice peut bénéficier de textes écrits dans sa langue maternelle. Je vais peut-être écrire ici aussi des articles qui portent sur des situations propres à la France. Mais sinon, j’ai été plus chanceux en anglais, pour le meilleur et pour le pire.
Pour finir, je mentionne rapidement mes articles universitaires, pour ceux qui suivent cette saga:
J’ai écrit un article sur la méditation de pleine conscience confrontée à la phénoménologie levinassienne pour un livre sur la pleine conscience et la phénoménologie : The Routledge Handbook of Phenomenology and Mindfulness. J’ai aussi écrit un article sur la phénoménologie des chocs émotionnels et de la polarisation politique pour la revue Culture & Values.
On verra ce que l’avenir nous réserve !
- Pierrick Simon
02/01/2024
Mail : lemiroirtranquille@outlook.fr (n'hésitez pas)
Blue Sky: https://bsky.app/profile/pierricksimon.bsky.social
Malt: https://www.malt.fr/profile/pierricksimon (pour me donner des missions, en tant que freelance)
Ko-Fi: ko-fi.com/pierricksimon (Les dons aident mon projet de recherche.)
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